baby girl, i'm not blaming you (kyle)

Walters n’était pas du genre à avoir des amis. Des potes de beuverie, de connerie, oui des amis, il n’avait jamais compris l’intérêt. L’avantage des potes c’est que ça ne posait pas de question. L’autre avantage non négligeable c’était que ces gens entraient et sortaient de sa vie au gré de ses envies. Pas d’attaches, pas de question et surtout pas le temps d’en venir au truc gênant. Mais si, ce moment où l’un en sait un peu trop sur l’autre même s’il n’a pas envie et où, du coup, tout peut mal tourner.

Les relations les plus longues de sa vie, à part son frère (qui ne le connaît pas si bien que ça) c’était ses relations avec certains membres des Sons. Mais ça, Valentino n’y voyait aucun inconvénient. Peut-être parce que depuis le début ces relations impliquaient qu’il finirait avec une balle entre les deux yeux ou en cavale au fin fond du Laos si les choses tournaient mal.

La règle d’or de ses relations avait toujours bien fonctionné. Elle lui avait laissé une liberté extraordinaire pour être un sombre connard sans trop de conséquence avec la plupart de ses pairs. Alors il ne voyait aucune raison de la changer. On ne répare pas quelque chose qui n’est pas cassé, pas vrai ?

Bon, le problème c’est que comme pour toutes les règles il y a des exceptions. Son exception à lui c’est Kyle Osborn. Un leprechaun irlandais qu’il connaît depuis l’adolescence, de l’autre côté du continent. Sauf que ce con là a eu aussi la merveilleuse idée de traverser l’Atlantique pour se retrouver dans la merveilleuse ville d’Exeter. Si le natif n’était anglais que d’adoption, il avait pris à cœur de s’intégrer au pays. Ca avait évidemment voulu dire une rivalité absolument stupide et arbitraire avec quelconque irlandais qui croisait son chemin. Manque de bol pour le lutin des prés, ils s’étaient croisés plus d’une fois, ayant tous deux un affect pour les mêmes sports.

A cette période, leur relation vivait entre sport, coups, cartons, sifflets et bières avec réconciliation digne d’une comédie américaine. Le fait est que désormais les deux sont adultes, ils ont chacun leur vie et leurs conneries d’adolescent sont derrière eux, à peu près.

Ils auraient pu s’ignorer dans cette nouvelle vie mais les deux en avaient décidé autrement. S’ils continuaient à se considérer de sang ennemi, ils avaient surtout appris à passer du bon temps ensemble en évitant désormais la partie où ils se foutaient sur la gueule. Certains diront que c’est parce qu’ils ont grandi, eux diraient sans doute que c’est parce qu’ils évitent certains sujets.

Le problème reste que Kyle, aujourd’hui, est sans doute la personne qui connaît le mieux le fils Walters. Le seul rescapé de sa vie d’outre mer. Celui qui pourrait raconter des choses qui ne doivent pas se savoir. Etrangement, ça ne semble pas plus que ça inquiéter le chimiste qui choisit de faire abstraction du risque et continuer de voir son trèfle à quatre feuilles, comme souvenir du pays qui l’avait adopté.

C’est pour ça que ce soir, comme assez régulièrement, les deux anciens rivaux ont décidé de se retrouver pour sortir. Walters en a bien besoin, la vie chez les Sons devient oppressante ces temps et il n’a personne à qui parler. Non pas qu’il compte en parler à Osborn mais au moins il peut lui dire que le monde l’emmerde sans que l’autre lui pose une autre question que une autre bière ?

C’était un plan bien rodé entre les deux anciens sportifs. Ils avaient leurs habitudes pour se retrouver et enfiler les bières jusqu’à pas d’heure. Comme d’habitude d’ailleurs, Valentino avait déjà commandé pour eux deux en attendant que Kyle arrive. Infaillible ce plan, vraiment.

La mousse de son demi devant lui, il observe le monde autour avec ce petit truc dans le bide. Ce truc qu’on ne s’explique pas mais qui fait dire que c’est pas tout à fait comme d’habitude. Pourtant, d’apparence, rien ne semble différent mais y a ce sentiment. Alors qu’il scanne la pièce, il sent la présence du blond à ses côtés. Automatiquement il détourne le regard pour le saluer. Attrape enfin le verre pour l’avancer vers ses lèvres alors qu’il lance « Cheers mate. », à peine la gorgée bue, là où normalement il devrait y avoir des banalités, il ajoute, le regard qui se disperse de nouveau « Is it me or something’s off tonight ? »